Lendas e Historias

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Noval

NOVAL ( 1)

La crasse qui s’accumulait dans les parties visibles de son corps le faisait ressembler à un vieux parchemin, froissé et massé. Les journées s’écoulaient dans un terrain en friche. Depuis qu'on lui avait dit que ce terrain-là était stérile et sans propriétaire, il y passait ses journées à lutter, contre des vents froids et les quelques herbes qui y poussaient.

Quiconque y passait, riait. «Il est assez costaud pour gratter dans le roço (2). Il est fou, il ne parviendra jamais à en tirer du profit, jamais!»

Tout le monde le connaissait comme Sem Alma (Sans Âme); c’est l’abbé Justino, lui-même, qui lui avait donné ce sobriquet, lorsque l'Archange Saint Michel était passé dans l’étendard des Santíssimas Almas (Saintes Âmes), et il ne s’était même pas levé de la pierre devant le bistrot, où il était assis.

Faztudo (Fait Tout) l'a bien prévenu:

- Lève-toi, c’est l’étendard des Âmes qui va passer!

- Je le vois bien, assis.

Nul ne lui connaissait ni famille ni ami, et comme ces terrains-là étaient en friche, incultes et sillonnés par les orages et le ruisseau qui y passait, on n’y voyait que des pierres et peu de terre; nul ne se soucia du labour du terrain par le Sem Alma.

Il était éloigné du village de bien une heure de marche. C'était là qu’il passait toute la journée, la nuit était passée au bistrot de Celestina, veuve, presque aveugle et sourde comme une porte. La première fois qu'elle l'a vu, il lui ressembla un frère qui était parti au Brésil. Dès lors, Sem Alma partageait le taudis avec une ânesse; le peu de chose qu'il mangeait, il le faisait dans la cour, sous une immense dalle, où Celestina faisait sécher des figues et cricas(3).

Il avait un flair développé comme un chien de chasse, c’était rare le jour où il n'apportait pas un lapin ou perdrix, qu'il attrapait avec des aboízes (4) qu'il tendait avec une maîtrise supérieure. Il connaissait les couches des lièvres et enduisait souvent ses lèvres avec les pigeonneaux de diverses volées d’oiseaux. De tout ce qu'il apportait, il laissait une part au seuil de la porte de la propriétaire, ce qu'elle remerciait, en l’appelant par le nom de son frère disparu.

- Oh Albérico, où vas-tu trouver tant de bêtes?

Nul ne lui connaissait ni vices ni amitiés, à quelque salutation il répondait avec une sorte de grognement.

- Sem Alma, il a déjà un puits!

- Il y transporte et enterre plein de brousse là-bas!

- Sem Alma est en train de murer tout autour, ça ressemble déjà à un tapado (5)!

- Jamais cela ne donnera quelque chose! C’est froid, abexieiro(6), et la terre ne féconde pas, c’est stérile!

Les opinions étaient diverses.

Mais Sem Alma ne les écoutait pas et il ne s’intéressait pas à la litanie du monde. D’où il était venu, la terre était aussi maigre; Mais bien labourée, améliorée et nourrie, elle ne pouvait que donner du fruit, et il en a été ainsi.

Umbelina, qui savait où le légume frais commençait le plus tôt et tenait tous les alentours sous l’œil, a éte la première à dévoiler l’énigme.

… Ça ne produirait rien!

… La terre n’était pas bonne!

… Elle était en friche!

- Allez voir maintenant! C’est un noval authentique, il y a de tout, des betteraves, des oignons, des citrouilles, à côté du mur du fond il y a des choux qui remplissent une manne!

- Et des pastèques ?... Du terrain infécond il a fait un parfait noval, il y a même deux pêchers là-bas!

Un à un, ils ont commencé à guetter le Noval du Sem Alma.

- Comment a-t-il fait ça? Le terrain n’a jamais été bon …

«-Il l’a travaillé!», disait Manuel das Dores, qui avait parcouru le monde. «- C’est que, ici, nous avons l’habitude de faire toujours la même chose et aux mêmes endroits, mais c’est de cette façon que les friches et les terrains faibles deviennent des novais. Avec du travail!

 

 

 

(1) – Noval – Terrain inculte, infécond et stérile, transformé en jardin potager.

(2) – Roço – Terre pas très dure, mais diuficille à labourer, presque comme le rocher.

(3) – Cricas – Une variété de pêche que l’on peut facilement couper en deux et les faire sécher au soleil, pour les consommer en hiver. Après sèches, l’aspect de ces moitiés de pêches estsimilaire à celle de l’organe sexuel féminin (à langage populaire – crica).

(4) – Aboíz – Un piège artisanal qui servait à attraper les perdrix et d’autres oiseaux de taille moyenne.

(5) – Tapado – (Enclos) - Terrain cultivé surtout comme un jardin potager et arbres de fruit, muré de tous côtés.

(6) – Abexieiro – (Ubac) – Côté nord de la pente, où le soleil ne frappe guère.